Qui est Stéphane Steeman ? Quels sont ses liens avec Tintin et Léon Degrelle ?
Stéphane Steeman (15 janvier 1933-23 janvier 2015) était un humoriste belge, comédien, chansonnier, imitateur (politiciens, sportifs, vedettes de la chanson et autres célébrités). Il a ainsi animé de nombreuses et populaires émissions de radio et de télévision.
Il était par ailleurs un grand collectionneur (Sacha Guitry, Brigitte Bardot, Peynet,...), mais sa collection la plus connue était consacrée à Tintin et à Hergé et constituait sans aucun doute la plus importante au monde sur le sujet. Elle donna d'ailleurs lieu à l'exposition Tout Hergé, à Welkenraedt (Belgique) en 1991 et à la publication du livre-catalogue Tout Hergé, Itinéraire d'un collectionneur chanceux (Casterman, 1991).
Son père, Stanislas-André Steeman, était un écrivain belge connu pour ses romans policiers à succès, dont le plus connu est sans doute L'Assassin habite au 21, adapté en 1942 au cinéma par Henri-Georges Clouzot, avec Suzy Delair et Pierre Fresnay. Au début de sa carrière, alors qu'il travaillait comme journaliste pour des quotidiens belges, il s'essaya au roman et reçut en 1931 le prix du roman d'aventures créé un an plus tôt par les Éditions du Masque. Désormais, c'est cette maison qui publiera la plupart de ses œuvres. Il donnera néanmoins la primeur de deux romans aux Éditions Rex, L'Assassiné assassiné (1932 ; Le Masque, 1933) et La Maison des veilles (1938 ; Les Auteurs Associés, 1942). A noter que le directeur des Editions Rex n'était autre que Léon Degrelle qui avait lui-même été journaliste au quotidien catholique Le XXe Siècle où il eut notamment pour collègues Georges Remi –c'est-à-dire Hergé– et Paul Jamin, le caricaturiste « Jam », de 1930 à 1945, et « Alidor », après-guerre
Comme tout bon collectionneur, Stéphane Steeman est à la recherche d'informations.
Passionné par l’œuvre de Hergé, Stéphane Steeman eut la chance de connaître le dessinateur et de le rencontrer à plusieurs reprises. Mais malgré cela, il lui fallut chercher ailleurs réponse à diverses questions sur lesquelles le créateur de Tintin resta évasif ou discret. Aussi se tourna-t-il alors vers Paul Jamin avec lequel il avait également noué des liens d'amitié : quels dessins datant des débuts de Hergé, non signés, sont bien l’œuvre de Hergé ? La proximité de Hergé avec Léon Degrelle a-t-elle induit son appartenance au mouvement Rex ? Ou, question encore plus délicate, quelles sont les origines de Tintin ? Qui l'a réellement inspiré ?
Paul Jamin put lui confirmer que certains dessins qu'il avait lui-même signés étaient en réalité l’œuvre de Hergé, de même que d'autres, non signés, comme par exemple, le bandeau-titre de l'hebdomadaire L'Oasis (supplément au magazine Rex, 1938) ainsi que quelques dessins de bas de page ou titres de rubrique de cette publication.
A la question de savoir si Hergé avait été membre de Rex, Jamin répondit par la négative : « Il n'était pas rexiste et se tenait en dehors de tout cela ». Même si certains biographes de Hergé, tels Maxime Benoît-Jeannin ou Pierre Assouline, le déclarent quand même au moins « rexisant ». D'autres, tels Benoît Peeters ou Albert Algoud, insistent fortement sur cette anecdote montée en épingle selon laquelle Hergé, fermement hostile à Léon Degrelle, a interdit à son épouse d'assister à un de ses meetings. Mais était-ce bien par opposition politique ou plutôt par souci de sécurité, les meetings politiques étant régulièrement attaqués par les partisans de l'autre bord ? En effet, il est connu que la première épouse de Hergé, Germaine est toujours restée en bons termes avec Léon Degrelle et continua à lui rendre visite en son exil d'Espagne après la guerre, et ce, bien avant sa séparation d'avec le dessinateur (1959) et son divorce (1977). Ce qui peut laisser penser que Hergé n'était à tout le moins pas opposé à ces voyages. Et même sans doute plutôt favorable, à en juger par ses déclarations publiques présentant toujours l'ancien Chef de Rex de manière positive : « J'ai découvert la bande dessinée grâce à... Léon Degrelle ! » (La Libre Belgique, 30 décembre 1975) ; « Degrelle était d'ailleurs un homme respectable, il a été lui-même au Front de l'Est [...]. Et militairement parlant, il s'est comporté là-bas comme un héros. » (Humo, 11 janvier 1973).
Et donc, finalement, quelle est la place de Léon Degrelle dans tout ça ?
Stéphane Steeman avait bien sûr posé à son auteur la question des origines de Tintin, des modèles qui ont inspiré ce personnage. Question toujours restée sans réponse précise, Hergé évoquant à l'occasion son frère Paul (Benoît Peeters, Hergé, p. 77) ou tout simplement lui-même : « Tintin, c'est moi ! » (Numa Sadoul, Tintin et moi, p. 66).
On avait déjà, à différentes reprises et à l'indignation clamée haut et fort des héritiers officiels de Hergé, évoqué l'influence spirituelle et la ressemblance physique de Tintin avec Léon Degrelle : c'est que les deux hommes s'étaient connus très jeunes et, comme nous l'avons vu, Hergé lui-même a accrédité l'influence de l'envoyé spécial du XXe Siècle au Mexique et aux États-Unis d'où il envoyait des journaux pleins de comics avec, chose qui n'existait pas en Europe, des bulles de discussion. Alors, avec la coupe de cheveux, le pantalon de golf, le visage ovale, la profession de reporter..., tout cela n'aurait-il donc rien à voir ?
Et justement, après le décès de Hergé, le 3 mars 1983, Léon Degrelle décida de lui rendre hommage à travers le récit de leur parcours biographique souvent entremêlé. Ce sera Tintin mon copain que son auteur, pour éviter les erreurs factuelles concernant surtout les bandes dessinées de son ancien ami, demanda à Stéphane Steeman de relire. Ce n'est donc pas Stéphane Steeman qui a souhaité prendre contact avec Léon Degrelle, mais au contraire, Léon Degrelle qui lui a demandé de venir en Espagne pour relire son ouvrage, en tant que spécialiste par excellence de l’œuvre de Hergé.
Après bien des hésitations (l'occasion était aussi trop belle d'obtenir des informations originales sur son père qui avait travaillé pour les éditions Rex), l'humoriste fit donc le voyage de Malaga en octobre 1991 et passa quelques jours avec Léon Degrelle pour relire Tintin mon copain et en corriger différents détails. Par la suite, Steeman prétendit –histoire de se donner un meilleur rôle ?– avoir demandé de supprimer des passages entiers du livre où Tintin aurait été outrancièrement récupéré. Il faut dire que cette rencontre fuita rapidement dans la presse, provoquant une formidable tempête médiatique qui obligea Steeman non seulement à interrompre le programme prévu pour la poursuite de son exposition Tout Hergé, mais surtout à mettre un terme à sa propre carrière artistique. Dépité et profondément meurtri, il se résolut à vendre sa prestigieuse collection à la Fondation Hergé. Il se retira dans sa propriété de Fréjus où il mourut le 23 janvier 2015.
Du coup, la question n'est toujours pas tranchée : quid de Léon Degrelle dans l'oeuvre de Hergé ?
Les « anti-Degrelle » invoquent une chronologie ruinant les allégations concernant l'influence du futur chef de la Légion Wallonie, argument qui a été solidement démoli par les « pro » ; quant aux « pro », ils s'efforcent plutôt de découvrir dans les aventures de Tintin un second degré confirmant un engagement « Ordre Nouveau »... que les autres estiment tiré par les cheveux, sinon complètement faux.
Il est en tout cas certain que toutes les personnes concernées, Léon Degrelle, Hergé, Paul Jamin, Stéphane Steeman, se sont bien connues, appréciées et respectées, même si leurs relations connurent naturellement des hauts et des bas. Des archives existent encore, des courriers, des journaux intimes, des brouillons d'articles,... qui pourraient peut-être éclairer la vérité de manière peut-être plus déterminante.
Mais le faut-il vraiment ? La question est tellement clivante qu'il nous semble que quel que soit le document nouveau qui apparaîtrait, il ferait, comme tous les autres, l'objet des analyses et des commentaires les plus contradictoires !...
Léon Degrelle REF 9999
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Léon Degrelle REF 4775
Léon Degrelle REF 0002
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